Transracialisme

Drapeau de la fierté transraciale

Le transracialisme est une transidentité ethnique dans laquelle un individu (ou un groupe) se ressent d’une identité ethnique différente de la race que la génétique lui a assignée à la naissance. Les transraciaux ne doivent pas être confondus avec les personnes interraces, nés de l’union de races différentes, même si la plupart des interraces présentent une dysphorie de race manifestée par un sentiment de rejet et d’inadéquation.

Transracialisme et transition

Les personnes transraciales peuvent entamer un processus de transition raciale, leur permettant de faire coïncider leur identité de race avec la manière dont ils sont racialement perçus par la société, ce qui peut leur procurer un passing racial simplifiant leur vie quotidienne. La transition raciale peut entre autres s’opérer par le recours à un changement d’état civil, à des changements vestimentaires, à des modifications corporelles ou encore à des soins cosmétiques adaptés.

Il convient toutefois de distinguer transition choisie et transition forcée. La transition choisie procède du libre choix d’un individu, tandis que la transition forcée procède d’une contrainte sociale ou juridique. Les pays menant des politiques assimilationnistes autoritaires induisent des transitions raciales forcées massives.

Exemples

  • L’assimilationnisme est une idéologie nationaliste qui soutient un transracialisme de masse et qui souhaite instituer des politiques de transitions raciales forcées à grande échelle. Les assimilationistes veulent par exemple interdire aux africains de donner des prénoms africains à leurs enfants et les forcer à donner uniquement des prénoms européens à leurs enfants. Certains assimilationistes extrémistes comme Eric Zemmour veulent même imposer une double transition raciale aux personnes d’origine extra-européenne, en les forçant à donner à leurs enfants des prénoms du calendrier chrétien catholique, c’est-à-dire limiter le choix de prénom à une liste de prénoms composée exclusivement de prénoms moyen-orientaux romanisés validés par l’Eglise catholique (culte oriental imposé pendant plusieurs siècles en Europe) et de prénoms européens validés par l’Eglise. Concrètement, si cette politique était adoptée, un africain ne pourrait pas prénommer son enfant Kofi (prénom indigène d’Afrique de l’ouest issu de la langue akan), ni le prénomer Yussufa (prénom biblique islamisé puis africanisé), ni lui donner le prénom Ragnar (prénom indigène scandinave non-validé par l’Eglise), mais peut l’appeler Joseph (prénom moyen-oriental biblique validé par l’Eglise catholique) ou Martial (prénom latin indigène validé par l’Eglise catholique). De même, les assimilationnistes extrémistes veulent interdire aux européens indigènes de donner à leurs enfants des prénoms européens indigènes non-validés par le culte d’origine orientale qu’est le catholicisme.
  • Un certain nombre d’enfants adoptés par une famille de race différente de la leur souffrent de dysphorie de race et s’identifient comme transraciaux.1Gene Demby et Shereen Marisol Meraji, « Code Switch: Transracial Adoptees On Their Racial Identity And Sense Of Self« , npr.org, 13 octobre 2018
  • Rachel Dolezal, militante américaine pour la cause des noirs qui se présentait comme une femme noire, porte-parole de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP) a fait scandale en 2015 lorsque le public découvrit qu’elle n’avait aucun ancêtre noir. Malgré la colère et l’hilarité suscitées par ces révélations, Rachel Dolezal maintient qu’elle s’identifie pleinement comme femme noire et a même fait modifier son état civil pour prendre un nom nigérian.2Ijeoma Oluo, « The Heart of Whiteness: Ijeoma Oluo Interviews Rachel Dolezal, the White Woman Who Identifies as Black », The Stranger, 19 avril 2017 Le documentaire Netflix consacré à ce scandale révèle que Rachel Dolezal se dessinait sous les traits d’une femme noire depuis son enfance, et que Rachel Dolezal, se sentant haïe de ses parents biologiques blancs fondamentalistes chrétiens, considérait ses frères et sœurs adoptifs noirs comme étant davantage de sa famille que ses parents biologiques, à tel point qu’elle a adopté l’un de ses frères adoptifs noirs en 2010.3Rachel Dolezal, Un portrait contrasté, réalisation Laura Brownson, production Netflix, 2018
  • Jean Messiha, ancien cadre du RN, a fait son coming out transracial en 2017. « Je suis français de souche par naturalisation » a-t-il déclaré dans un communiqué dans lequel il revient sur les étapes de sa transition, motivée par son « amour pour la France ». Né Hossam Messiha, il a choisi de modifier son état civil en prenant le prénom Jean. En février 2020, Jean Messiha a annoncé son souhait de porter plainte contre l’animateur Yassine Belattar. Ce dernier a méracé Jean Messiha a plusieurs reprises en insistant lourdement sur les origines arabes de l’homme politique, le qualifiant notamment de « chameau ». 4« Tête de chameau : Yassine Belattar insulte à nouveau Jean Messiha », Valeurs actuelles, 21 février 2020

Théorie de la transracialité

À ce jour, le transracialisme est un phénomène peu étudié. En 2017, la philosophe féministe Rebecca Tuvel a fait scandale en publiant un article dans lequel elle tentait de démontrer que le transracialisme était aussi valide que le transgenrisme.

« La philosophe Rebecca Tuvel est une philosophe née à Toronto en 1985 qui est maintenant professeure assistante à l’université Rhodes, à Memphis, aux États-Unis. Elle a effectué ses études doctorales à l’université Vanderbilt sous la direction de Kelly Oliver. Féministe et végane, Tuvel a écrit sa thèse de doctorat sur les injustices épistémiques subies par les femmes et les animaux non-humains. C’est cependant un article qu’elle a écrit sur le transracialisme qui l’a plongée dans la controverse en avril 2017.

En bref, Tuvel affirme, dans son article « In defense of transracialism », qu’il serait à la fois possible et acceptable de changer de race, tout comme il est possible et acceptable de changer de sexe et/ou de genre. Le texte de Tuvel propose une réflexion sur les races comme constructions sociales et sur les arguments avancés contre le transracialisme. Pour Tuvel, ces arguments dévoilent une logique essentialiste intenable dans notre conception de la race, logique que nous avons rejetée avec raison pour les genres. Afin d’illustrer son propos, Tuvel considère la réaction du public américain au coming out de Caitlyn Jenner en tant que femme trans et la compare au scandale entourant Rachel Dolezal, une femme née de parents blancs qui s’identifie comme étant Noire. Tandis que la première a généralement été célébrée pour son courage, la seconde a été presque unanimement stigmatisée et qualifiée d’imposteure. Le but principal de Tuvel est de déterminer si ces réactions diamétralement opposées au transgenrisme et au transracialisme sont justifiées. » 5Vincent Duhamel, « Introduction à la controverse entourant la publication de l’article « Pour défendre le racialisme », erudit.org

La page Wikipedia « Hypatia transracialism controversy » résume en ces termes l’argumentaire de Rebecca Tuvel :

« Tuvel suggère que “[g]énéralement, nous maltraitons les gens lorsque nous les empêchons d’acquérir l’identité personnelle qu’ils souhaitent assumer”. L’auto-identification et la reconnaissance sociale de la nouvelle identité sont les deux éléments nécessaires à un changement réussi. À titre d’exemple, elle propose la conversion au judaïsme ; s’il n’y a aucune raison de bloquer la conversion, comme le rabbin doutant de la gravité de l’engagement, la transition vers la nouvelle identité sera acceptée. Arguant d’un “vision de la race qui permet l’appartenance raciale sur la base du traitement social et… de l’auto-identification”, elle soutient que la race est une construction sociale malléable et que, bien que l’ascendance — une caractéristique extérieure à la corps — est un déterminant de la race important dans la culture américaine, sa valeur varie ailleurs. Au Brésil, par exemple, l’auto-identification de Dolezal en tant que noire, sa vie en tant que personne que la société aurait été acceptée comme noire et son exposition à la culture noire, auraient suffi à faire qu’elle soit considérée comme noire, selon Tuvel.

Tuvel aborde quatre objections au transracialisme. Premièrement, l’argument selon lequel prétendre être noir nécessiterait l’expérience d’avoir grandi avec les souffrances causées par le racisme anti-noir […]. Le fait que les femmes trans ne soient pas élevées avec la souffrance causée par le sexisme n’est pas une raison suffisante, soutient Tuvel, pour rejeter leur identification en tant que femmes. Par conséquent, de l’avis de Tuvel, l’expérience du racisme de Dolezal alors qu’elle vivait en tant que femme noire serait une exposition suffisante. Une deuxième objection est que Dolezal ne pourrait pas s’identifier comme noir en raison de l’importance accordée en Amérique à l’ascendance ; quels que soient les faits, il existerait un accord intersubjectif sur l’importance de l’ascendance. Tuvel soutient que cette position fait de la possibilité d’un changement un “otage du statu quo”.

Troisièmement, on objecte que la communauté noire serait lésée lorsqu’une personne blanche chercherait à y entrer. Les actes de Dolezal ont été comparés à un blackface. Tuvel fait la distinction entre l’identification problématique et non problématique. L’auto-identification de Dolezal n’était pas basée uniquement sur un changement d’apparence physique ; il n’y avait rien d’insultant dans son attitude ; cela ne semble pas être temporaire ; il n’y avait pas de fins douteuses ; et il n’y a pas eu de renforcement des stéréotypes nuisibles. C’était donc un exemple d’identification non-problématique, soutient Tuvel. Une quatrième objection est que Dolezal se serait livrée à un “exercice abusif du privilège blanc” : une personne blanche peut restaurer son privilège blanc chaque fois qu’elle en a besoin, tandis qu’une personne noire se voit refuser cette facilité de mouvement. Tuvel écrit que le même argument s’applique aux femmes trans, en particulier avant la chirurgie; que quelqu’un puisse revenir au privilège masculin ne devrait pas empêcher sa transition. » 6Hypathia Transracialism controversy, page consultée le 03/04/2021

Notes et références

Notes et références
1 Gene Demby et Shereen Marisol Meraji, « Code Switch: Transracial Adoptees On Their Racial Identity And Sense Of Self« , npr.org, 13 octobre 2018
2 Ijeoma Oluo, « The Heart of Whiteness: Ijeoma Oluo Interviews Rachel Dolezal, the White Woman Who Identifies as Black », The Stranger, 19 avril 2017
3 Rachel Dolezal, Un portrait contrasté, réalisation Laura Brownson, production Netflix, 2018
4 « Tête de chameau : Yassine Belattar insulte à nouveau Jean Messiha », Valeurs actuelles, 21 février 2020
5 Vincent Duhamel, « Introduction à la controverse entourant la publication de l’article « Pour défendre le racialisme », erudit.org
6 Hypathia Transracialism controversy, page consultée le 03/04/2021
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