Non-substituabilité du féminisme
La non-substituabilité du féminisme est un principe du féminisme occidentaliste selon lequel aucune lutte politique, aussi louable soit-elle, ne peut remplacer la lutte féministe. La fonction de ce principe est de favoriser l’indépendance politique du féminisme, de se prémunir contre la dépendance organisationnelle et de protéger le féminisme contre l’interchangeabilité des luttes.
Les fondements du principe de non-substituabilité du féminisme
Le principe de non-substituabilité du féminisme repose sur plusieurs fondements théoriques et pratiques :
- la dimension bioculturelle de l’oppression des femmes : les formes diverses d’oppressions pesant sur les femmes sont des pratiques et croyances culturelles qui s’ancrent dans la réalité biologique de la différence des sexes, et notamment dans la capacité exclusive des femmes à tomber enceintes
- la tripartition politique du féminisme
- la nécessité pour les féministes de divers courants de s’organiser politiquement face aux nombreux fronts communs et points de convergences entre misogynes : misogynie transpartisane (convergence des luttes misogynes entre masculinisme de gauche et virilisme conservateur), misogynie trans-religieuse (lobbyisme œcuménique, front de la foi), transnationale, transraciale (bromance interraciale)
- la nécessité de faire exister le féminin politique
- la capacité unique du féminisme à mettre en évidence la dimension politique de certaines oppressions et lieux d’oppression des femmes, dont tout le reste de la société et des courants politiques auraient continué de nier la dimension politique, si les féministes n’avaient pas combattu : c’est notamment grâce aux féministes, et uniquement grâce à elles, que les violences sexuelles et les violences conjugales sont des sujets politiques, et que l’espace domestique est également devenu un champ de lutte politique, cessant d’être relégué au monde des sentiments, de l’informel, hors de la Cité
- Les pressions de divers courants politiques pour nier le besoin politique et social de féminisme : dogme de l’interchangeabilité des luttes à gauche, mythe du protectorat viril chez les conservateurs, croyance excessive en l’automaticité du progrès à droite
La valence différentielle des sexes ou pourquoi la domination masculine n’est pas soluble dans d’autres dominations
L’anthropologue Françoise Héritier a créé le concept de « valeur différentielle des sexes », distinct de celui de « domination masculine » que notamment son confrère anthropologue Maurice Godelier, et plus tard le sociologue Pierre Bourdieu, avaient choisi d’employer pour évoquer la hiérarchie des genres.
Sur le plan purement théorique, cette distinction trouve son origine « dans le structuralisme moins systémique et surtout moins marxiste chez Héritier que chez d’autres intellectuel.les des années 1970 qui veulent dupliquer l’idée de lutte de classe aux rapports de genre, en suggérant l’idée d’une guerre des sexes de facture similaire à la relation inégalitaire et conflictuelle qui oppose classes bourgeoises dominantes et classes laborieuses dominées. Mais ce qui fait échouer la transposition de la lutte des classes vers la lutte des sexes, c’est une dimension unique du rapport de genre : la reproduction.
Pour Françoise Héritier, la construction hiérarchique qui place le féminin sous le masculin procède de la nécessité pour les hommes de prendre le contrôle de ce qu’il leur est impossible sans passer par le corps d’une femme : se reproduire. “Parce que les hommes n’enfantent pas directement avec leur propre corps, alors que les femmes enfantent des filles et des garçons, ils ont fait en sorte que les corps féminins soient à leur disposition” disait-elle en 2016.
La domination masculine est ensuite l’expression de tous les moyens et de toutes les formes de cette mise à disposition : limitation des libertés des femmes, insécurisation dans l’espace public, écarts de traitement, résistance à l’autonomisation (financière, et pas seulement) des femmes, sexisme et essentialisation systémique etc.
Aussi, Héritier ne contestait pas la domination masculine mais la regardait plutôt comme le résultat de la “valence différentielle”.» 1Marie Donzel, « C’est quoi la “valence différentielle des sexes” ? », Programme EVE, (lire en ligne)
Notes et références
↑1 | Marie Donzel, « C’est quoi la “valence différentielle des sexes” ? », Programme EVE, (lire en ligne) |
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