Approche bioculturaliste
Le bioculturalisme ou approche bioculturaliste est un paradigme politique analysant les différences sexuelles, les comportements et les rapports sociaux sous l’angle de l’intrication du culturel et du naturel. Le féminisme occidentaliste est un féminisme bioculturaliste, par opposition au féminisme déconstructionniste (féminisme de gauche) et au féminisme différentialiste (féminisme conservateur). L’approche bioculturaliste refuse le faux dilemme nature-culture.
L’approche bioculturaliste du féminisme occidentaliste
Le féminisme occidentaliste considère les différences et rapports de domination entre les sexes comme des phénomènes bioculturels. Un phénomène bioculturel est un phénomène qui est toujours à la fois biologique et culturel, et qui ne peut jamais être réduit à une question purement culturelle ni purement naturelle. Corollairement, pour être efficace et durable, toute lutte politique concernant les rapports de domination entre les sexes doit prendre en compte les aspects tants culturels que biologiques du sujet. Contrairement à l’approche déconstructionniste et à son contraire l’approche essentialiste, l’approche bioculturaliste ne raisonne pas tant en termes d’origines biologiques ou culturels que d’enjeux biologiques ou culturels.
Exemples de phénomènes bioculturels
Le dimorphisme sexuel est un phénomène bioculturel : les différences de stature, de musculature, de morphologie, de physiologie et de métabolisme entre les hommes et les femmes s’expliquent à la fois par des déterminismes sociaux et des déterminismes biologiques. Ainsi, la tendance des femmes à stocker davantage de graisse et à produire moins de muscles (notamment dans le haut du corps) que les hommes s’explique principalement par les spécificités biologiques d’homo sapiens et l’adaptation aux contraintes naturelles au fil de l’évolution. Parce que la grossesse et l’allaitement font exploser les besoins caloriques de la mère, que les muscles consomment beaucoup plus d’énergie que le stockage graisseux et qu’un corps de grande taille a besoin de davantage de calories qu’un petit corps pour survivre, il est probable qu’au fil de l’évolution, la petitesse et la propension au stockage graisseux (plutôt qu’au développement musculaire) aient été des atouts dans la survie de la mère et de sa progéniture, tandis que ses caractéristiques ont eu un impact moindre dans l’évolution de la biologie masculine. Il est possible qu’au bout de plusieurs siècles ou millénaires d’abondance alimentaire grâce aux progrès techniques, la masse musculaire des femmes finisse par augmenter, en l’absence de pression évolutionnelle défavorable à l’encontre des corps féminins « musculeux ». Le phénomène culturel de division sexuelle du travail et des rôles pendant des millions d’années a probablement affecté le dimorphisme sexuel humain, et le développement du sport féminin ainsi que le recul de la réclusion domestique des femmes à partir du XXe siècle en Occident ont permis d’observer que les apparentes « limites biologiques » des femmes pouvaient être largement repoussées grâce à des changements sociaux. Lorsque la socialisation des filles et femmes cesse d’être totalement différente de celles des hommes, un certain nombre de femmes peuvent développer pleinement leurs capacités physiques et accomplir des performances physiques comparables à celles des hommes.
La vulnérabilité maternelle est un phénomène bioculturel. Lors de la période allant du début de la grossesse jusqu’à l’autonomisation de l’enfant, la mère est confrontée à des besoins caloriques accrus et à une réduction de sa mobilité. Outre cet aspect biologique, la vulnérabilité maternelle présente une forte composante culturelle : elle est toujours inextricablement liée à des facteurs culturels qui peuvent fortement l’accroître, la modifier ou la réduire. La dimension biologique de la vulnérabilité maternelle induit des formes de dépendance à l’égard du groupe social (famille nucléaire, famille étendue, voisinage, village, ou tout autre groupe auquel appartient la femme), qui sont fortement variables selon le degré d’autonomie économique, d’autonomie politique, de protection sociale et de capital social de la mère. La composante naturelle de la vulnérabilité maternelle a des répercussions directes sur la place des femmes dans la société : compte tenu des besoins accrus et de la vulnérabilité accrue de la femme lorsqu’elle tombe enceinte ou à sa charge de jeunes enfants, la communauté peut en profiter pour monnayer son aide ou sa protection à un tarif exorbitant. La vulnérabilité maternelle place ainsi souvent les femmes à accepter des restrictions de leurs libertés auxquelles elles ne se seraient pas pliées. Bien que la vulnérabilité maternelle ait toujours une importante dimension biologique, un groupe social peut exagérer la vulnérabilité maternelle, de manière à terroriser les femmes dans le but de les pousser à se soumettre à diverses formes de domination (économique, médicale, sociale, religieuse, sexuelle). A l’inverse, la négation de la composante biologique maternelle peut également être utilisée par le groupe dans le but d’accroître sa domination sur les femmes : en refusant aux femmes l’aide et la protection nécessaires à l’enfantement, toute la charge repose sur la femme et celle-ci se retrouve fragilisée sur le plan social, familial et économique.