Mythe de la promotion-canapé

Le mythe de la promotion-canapé est un mythe gynophobe largement répandue, qui consiste à présenter le chantage sexuel au travail comme un avantage féminin.

Fonction du mythe

Le mythe de la promotion-canapé permet d’agiter la figure de la femme tentatrice et corruptrice pour détourner l’attention de la réalité du chantage sexuel au travail, voire pour faire croire que les femmes seraient avantagées dans le monde du travail car bénéficiant de supposés passe-droits grâce à leurs charmes. Au lieu de pointer le climat de chantage sexuel consistant à discriminer les femmes refusant de se soumettre sexuellement à leur supérieur hiérarchique, on place la focale sur la femme qui a été prostituée par le supérieur, c’est-à-dire rémunérée (sous forme d’octroi d’un poste) en échange d’une service sexuel. Au lieu de se soucier des milliers de femmes évincées professionnellement pour indocilité sexuelle et de voir que ce chantage sexuel touche davantage les femmes que les hommes, on accuse les femmes de voler le travail des hommes en jouant de leurs charmes. Au fond, le mythe de la promotion-canapé présente la prostitution contrainte comme un privilège féminin.

Promotion-canapé et violence sexuelle

Le féminisme occidentaliste considère que le terme « promotion-canapé » glamourise le chantage sexuel en le présentant comme « une chose de la vie » qu’il faut accepter ou prendre à la rigolade. Pour le féminisme occidentaliste, l’utilisation de ce terme exprime de la complaisance envers le harcèlement sexuel au travail, envers l’indexation de la valeur professionnelle d’une femme sur son obéissance sexuelle, envers la prostitution forcée et envers les viols, dont la « promotion-canapé » est une des manifestations. En France, la pénalisation du harcèlement sexuel au travail est très récente et dans les faits, la loi est rarement appliquée. Le code pénal a défini en 1992 le harcèlement sexuel comme « le fait de harceler autrui en usant d’ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ». Dans la fonction publique, le chantage à l’avancement est puni depuis 1983 par des sanctions disciplinaires prises contre les supérieurs hiérarchiques refusant « le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation ou la mutation » d’un subalterne lui ayant refusé des faveurs sexuelles ; ces dispositions furent confirmées et étendues à l’ensemble du monde du travail en 1992 par l’ajout à l’article L. 123-1 du code du travail d’une disposition similaire.

Exemples

Aux débuts de #Metoo, de nombreux commentateurs ont cru intelligent de relativiser les révélations sur le chantage sexuel dans le cinéma, le journalisme et les femmes en faisant remarquer qu’un certain nombre de femmes avait « bénéficié » (sic) de promotion-canapé.

L’avocat d’Harvey Weinstein a défendu son client en arguant que le système de promotion-canapé mis en place par Harvey Weinstein ne relevait pas de la violence sexuelle.1« Affaire Weinstein: La «promotion canapé» n’est pas du «viol» selon l’avocat du producteur », 20 Minutes, 3 mars 2018

Promotion-canapé et biais des survivants

Le fait de parler de promotion-canapé ne provient pas forcément d’une volonté de propagande misogyne, mais trouve aussi souvent racine dans un défaut d’information lié au biais des survivants. Le biais des survivants est une forme de biais de sélection consistant à surévaluer les chances de succès d’une initiative en concentrant l’attention sur les sujets ayant réussi mais qui sont des exceptions statistiques (des « survivants ») plutôt que des cas représentatifs. Par exemple, dans le cas du chantage sexuel dans le monde du cinéma, on ne verra pas les milliers de femmes évincées professionellement du fait de leur refus sexuel, puisque celles-ci n’obtiennent pas de rôles qui les rendent célèbres, et on ne verra que les femmes qui ont « couché pour réussir ». A cause du biais du survivant, on se focalisera davantage sur la réussite des quelques unes qui ont cédé au chantage sexuel que sur la masse de femmes placardisées pour ne pas avoir refusé ce chantage.

En comprenant ce biais de sélection, on comprend mieux en quoi il est irrationnel de reprocher aux accusatrices de #MeToo de « ne parler que maintenant » ou d’avoir « elles-mêmes bénéficié de promotion-canapé ». Afin d’obtenir une stabilité professionnelle et un poids médiatique leur permettant de dénoncer le chantage sexuel, de nombreuses femmes sont contraintes de se taire le temps de lancer leur carrière, voire de se plier au chantage.

Notes et références

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